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« Madan Papa », version revue de « Big Boss » ...

Caricature: Le Nouvelliste 

J’étais admis en classe de seconde, quand je suis rentré au Cap-Haïtien. C’était en 2001. La deuxième ville du pays n’était pas dans cet état insalubre qu’elle est aujourd’hui. Elle était digne de la fierté Christophienne, dont les Capois s’enorgueillissent tous les jours. 

A cette époque, la culture du savoir était une exigence. D’ailleurs, il était courant d’organiser des jeux de correspondance. Il y avait un engouement pour les cercles littéraires. Et pour gagner le cœur d’une jeune fille, il fallait la convaincre de son amour, en utilisant toutes les belles expressions françaises. De plus, il était un impératif d’utiliser toutes les formes de galanterie, afin de prouver qu’on était le prince charmant. 

Même si la prostitution formelle existait déjà, à cette même époque, les jeunes filles de la tranche d’âge « Madan Papa » d’aujourd’hui, se valorisaient. Autrement dit, leur corps était un cadeau offert par amour, en dépit de leur situation socio-économique précaire. Elles donnaient et leur corps et leur cœur. Ces jeunes filles ne voyaient pas leur corps comme une marchandise, comme le dernier moyen de survie. Elles vivaient dans la dignité. En tout cas, c’était la tendance générale. 
Le « Big Boss », des concurrents presque  sans rival
Subitement le phénomène « Amatè » apparaît. « Amatè », c’est le nom donné alors aux propriétaires de bâtiments en bois ou en acier, qui assuraient le transport de marchandises vers Haïti, en provenance des Etats-Unis, notamment. 

Les « Amatè » étaient, dans la majorité des cas, des hommes un peu âgés, autrement dit aujourd’hui des « Papa ». Ils pouvaient à peine écrire leur nom. Ils étaient d’une grossièreté telle, qu’ils étaient respectés que pour leur statut de « Big Boss ». Ils possédaient de belles maisons, des entreprises de toute sorte. Leur véhicule de choix était la Toyota 4 Runner, année 1998. 

Ces « Papa », « Amatè » autrefois, se vantaient d’être les maîtres de la ville du Cap-Haïtien. Ils avaient déclaré la guerre aux « Jenn Jan Galan », traduit aujourd’hui par « Blòdè ». Des jeunes hommes qui ne pouvaient compter que sur leurs expressions françaises, leur savoir pour séduire. 
A chacun son arme
Les « Amatè » savaient très bien qu’ils ne pouvaient compter que sur leur richesse pour arriver à leur fin. Pour eux, tous les coups sont permis. Les « Amatè »  faisaient tout pour attirer l’attention de leur cible. S’ils ne vantent pas leurs gains, ils dépensent de grosses sommes pour impressionner. 

Les « Amatè » étaient prêts à tout pour séduire, ou pour acheter des moments de plaisir. L’un des gestes les courants à l’époque, c’était la remise d’une clef d’une Suzuki Tracker à la jeune fille désirée. Il arrive même que les « Amatè », les « Papa » d’hier, réhabilitent et changent les meubles de la maison de la jeune fille.  Cependant, le véhicule avait souvent été repris, après séparation dans bien des cas. C’était souvent une farce, car le véhicule était enregistré au nom de des « Amatè ».  Cette réalité est décrite par le Groupe K-Dans en 2002, avec la sortie de la chanson compas « Big Boss ». Des relations où les intérêts matériels et financiers remplacement les vrais sentiments de vivre ensemble. Une version reprise avec le style  « Rabòday » par l’artiste « Marinad 007 ». 

L’amour n’a jamais été une question d’argent. Il est le partage de sentiments entre deux personnes consentantes. Mais, en fonction de ma foi Chrétienne fondamentaliste, je dirais que c’est le partage de sentiments entre un homme et une femme. 


Partant du principe que l’homme, en général, aime souvent être avec ceux qui le ressemble, aucune jeune fille, ayant des besoins financiers à combler ne peut pas me convaincre de son amour pour un « Papa ». D’ailleurs, pourquoi c’est toujours un « Papa » ayant des moyens financiers, et pas un autre, s’il s’agit véritablement d’amour ? Une coïncidence, peut-être.

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