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Le Revirement de Lambert, un cas d’école à l’haïtienne...Par Wilfrid Anténor


Crédit Photo: Loop Haiti

« Des questions d’orgueil personnel ; des préjugés comme il en existe ailleurs contre certaines formes d’humiliation de soi-même ; des sentiments personnels, fatigue, dégoût et honte – doivent être amputés sans merci et déracinés…» A. Koestler

Il arrive que les mots commencent à devenir trop faibles et prennent peur devant le quotidien politique haïtien. Écrire sur ce qui se passe devient un exercice digne de la quête d’immortalité ; dans la confusion qui règne dans ce pays, la raison cède et s’enfuit. Alors, utiliser les mots et les lier pour trouver un sens pouvant exprimer un état de fait revient à un exercice d’asphyxie. Ce Pays qui vit de scandales, de peurs, d’horreurs, d’orgie politicienne, d’agonies, de l’hypocrisie généralisée et de dégradation totale sur le plan humaine, ne laisse aucune possibilité de rester dans les normes ou sur les sentiers des hommes.

Chaque jour se réveille au nom d’un déjà vu nouveau et qui étonne à chaque fois. Le Mardi du 20 Août 2019, les citoyens se sont tous réveillés avec le nouveau spectacle du revirement d’un honorable sénateur, proche du régime en place, qui annonce passer à l’opposition parce que le président a décidé de ne plus faire de lui son premier ministre. Le président haïtien (je parle de tous les présidents haïtiens), cet être insaisissable dans la tradition haïtienne qui joue aux dés avec l’avenir des millions de gens qui n’ont plus la force de continuer à faire face à l’existence ne fait que donner du vertige dans une course accélérée à travers des choix et des actes dignes de montagnes russes. Chacune de ses actions arrivent comme de l’huile sur du feu. Le pays vit une situation tendue macabre, triste et cruelle, mais croyez-moi rien n’est nouveau ici. C’est le cycle qui est en marche ; cette spécialité haïtienne à répéter l’histoire avec une perfection inouïe et une divine symphonie. Mais voyons les amis, on s’habitue, et pourtant, il faut continuer à trouver des explications, même si au fond de nous-mêmes nous savons tous que cela ne sert à rien dans la prison que nous avons été confinés par je ne sais quels dieux. Si nous nous demandions à quoi sert tout ce bruit autour de ce nouveau spectacle. Et en quoi cela servirait la cause nationale ? Les réponses seront multiples pour attendre le temps qui nous mettra tous d’accord autour de cette réponse : Rien faire de la politique. Et diriger  dans un pays comme Haïti demande une préparation qui frise la perfection par la formation, l’art et les expériences et le tout animé par un sentiment de vocation portée par une humanité sans conteste. Nous n’avons rien de tout cela chez nos hommes d’état. Le Sénateur Lambert est un homme d’expérience sur le terrain de la politique, un géant dans cette classe et comme tout politicien haïtien, on connait leur objectif et les moyens immuables aux faces multiples, dont ils disposent pour avancer. Ses sorties à la radio commencent à montrer combien et comment la politique dans ce pays est un jeu d’inconscients, de mépris et d’aveuglement.

Le président, sans le demander sur un ton paternaliste, est-il conscient de la situation de ce pays, ou peut être l’énergie de la fatalité historique est trop forte pour s’en échapper comme on le vit habituellement et historiquement ? Pourquoi continue t-il de balancer nos jours comme une excursion sur ces montagnes russes ? N’a-t-on pas assez vécu pour finalement se dire qu’on doit reprendre le chemin des hommes, c'est-à-dire du bon sens et de la responsabilité ? Ici, il ne s’agit plus de donner raison ou choisir son camp entre le sénateur et le président. Il s’agit de dire qu’on en a assez des conneries, des vagabondages, de mauvaise foi, de méchanceté, et d’arrêter ce mal qui est plus envahissant que la peur aux ventres des haïtiens.

 La petitesse des individus tue la république. Nous sommes trop à l’aise dans ces sauts vers les boues des intérêts pratiques et mesquins. Que le président décide de ne pas faire confiance à personne et préfère diriger par des fausses promesses et la tricherie même face à ses alliés naturels, que ces alliés exhibent des âmes fourbes, capables des coups les plus bas, il faut savoir trouver la ligne entre l’homme et la bête. Existe-elle ou non une conscience haïtienne ? Si oui, est-elle emprisonnée quelque part au fond des noirceurs fils de nos égarements ? Personne ne peut répondre. Notre Haïti est à la fois cette rencontre de tout ce qui n’est pas qu’il faut saisir par le regard vide du néant d’un antimonde. L’orgueil, les sentiments de dégouts du sénateur ne fait de son mouvement un revirement, mais un positionnement face aux tricheries et promesses en l’air d’un président totalement éveillé autour de calice du Saint Graal.

Des choses se murmurent dans le pays par la bouche des citoyens… Pour certains, les parlementaires se sont mis ensemble pour trouver la formule leur permettant de faire marcher le président qui n’a pas beaucoup de branches où s’accrocher. Faire marcher le président revient à lui forcer de laisser aux parlementaires les moyens disponibles dans ces ténébreuses boites publiques, qui font le malheur de la bourse et de la vie du citoyen haïtien. Des élections auront lieu un jour ou autre, l’avenir de ce régime est dans le gris. Il faut assurer ses arrières. D’autres disent que le président a bien vu, que le comportement du sénateur prouve qu’il n’est pas différent de son prédécesseur, le notaire tombé en disgrâce. L’aisance avec laquelle le sénateur parle de la possibilité de servir son pays sous les ordres de l’opposition reste remarquable ; comme s’il existait quelque chose dans l’ombre. On ne sait jamais ce qui se trouve dans les eaux marécageuses de la politique haïtienne. Mais au fond, tous les haïtiens savent qu’il n’y a pas de revirement et qu’il faut attendre aussi. Chez nous, seul le temps dit la vérité. Alors que l’opposition expose sa nouvelle recrue dans les chants médiatiques, on ne sait rien de ce que rumine le président. Le train de l’Histoire bouge et contemple au passage nos âmes déchues ou égarées dans les océans des jeux politiques trop questionnables. En attendant, je vous laisse avec cette question : un peuple saura t-il vivre avec des sophismes hideux que  sont les actuels gémissements politiques ?


Wilfrid Anténor

PS: Ce texte n'engage que Lui.

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