Accéder au contenu principal

Partis politiques en Haïti: deux mots




Un parti politique est un groupe de personnes qui partagent les mêmes intérêts, les mêmes opinions, les mêmes idées, et qui s'associent dans une organisation ayant pour objectif de se faire élire, d'exercer le pouvoir et de mettre en œuvre un projet politique ou un programme commun.

Un parti politique, dans ses fonctions principales, devrait être à l'avant-garde quant à la défense des valeurs démocratiques et républicaines. Parce qu'il se différencie de "faction politique", entité sans organisation et vide de projet sinon celui de prendre le pouvoir le plus souvent par des voies détournées, se doit de proposer une ou des alternatives aux problèmes quotidiens. Il est, dans un contexte de décrépitude sociale, une sorte de recours où puiser l'énergie de renouveau. Le plus important c'est que le parti politique a pour mission d'insuffler l'énergie politique au peuple en plaçant ce dernier sur des rails idéologiques solides. On pourrait ajouter sans nuancer que le processus de formation de la conscience politique du peuple, à savoir permettre à ce dernier de pouvoir agir en connaissance de cause, s'inscrit dans la ligne vocationnelle d'un parti.

 Le Parti politique est un embryon de l'expérience de gouvernance. Dans un parti, on apprend à diriger, de surcroît à devenir membre de L'État. Car, peut-on ajouter, le Parti est une projection de l'État et non un élément de nuisance à l’Etat. Le Parti se prépare pour imposer sa vision du monde. Paradoxalement, il peut aussi s’atteler à la réforme de l’état actuel pour le supplanter par un modèle qui correspond à ses aspirations idéologiques. Ce qui participe au principe démocratique de l'alternance politique.

 En outre, le parti politique est l'épine dorsale de la machine démocratique. Si le peuple est l'élément principal et principiel d'une démocratie, c'est le parti qui le forme et l'élève à la dimension de ses responsabilités historiques, de telle sorte qu’il puisse participer de manière consciente au processus de transformation du réel. Le parti participe ainsi de la logique de la démocratisation fondamentale, suivant l’expression de Paulo Freire.

De ce point de vue, il n'existe pas de partis politiques en Haïti. Sinon d’entités bidon vouées, dans le plus grand cynisme à la défense de petits intérêts. En effet, « les Partis politiques » haïtiens s'il faut les appeler ainsi, s'écartent nettement de cet aspect principiel : l’idéologie. Ils n'ont jamais de position arrêtée sur des problèmes de la vie sociale ou nationale. Ils changent tout simplement en fonction de la conjoncture politique. Ils n'ont aucun projet de société dans lequel leurs membres s'identifieraient sciemment. Dans des moments de troubles nationaux, au lieu d'aider à sortir de la mêlée, ils participent eux même à l'enchevêtrement de la situation. Ils ne se soucient guère de la formation de la conscience politique du peuple question d'élever le niveau moral et intellectuel de ce dernier. Ils ne sont même pas de groupes de pression dont l'objectif serait d'agiter des questions nationales pour faire agir le pouvoir en place. Car, l'important pour ces regroupements humains c'est de profiter du momentum et en tirer le plus de bénéfices immédiats possibles. Il n’est point un fait insolite en Haïti de voir un chef de Parti soit le conseiller d’un chef d’Etat élu sous la bannière d’un autre Parti ou un parlementaire élu sous un Parti défendre au parlement le parti au pouvoir.  Autant dire que les « Partis politiques » en Haïti ne font aucune projection de la société future, ce qui fait qu’ils restent toujours plombés dans la réalité immédiate.

Ce sont d'ailleurs des groupements à vocation exclusivement électoraliste. Toujours est-il qu'ils s'inclinent vers des alliances aux phases décisives des élections, mais ce sont le plus souvent des alliances factices, fantaisistes, contradictoires et ridicules. Lesquelles se soldent toujours sur d'importants conflits d'intérêts. Entre temps, les problèmes nationaux passent en dessous d'agissements mesquins d’opportunistes ou de mercenaires politiques.

Cette situation de dysfonctionnement des « Partis politiques »  peut pour le moins servir de cadre explicateur au désordre caractéristique de la vie politique en Haïti.  En effet, depuis la période post Duvalier, il n’y a jamais eu cette stabilité dont les partis (qui allaient naitre pendant cette période) devraient être les garants. D’ailleurs, les gouvernements se succèdent sans jamais parvenir à organiser des élections qui répondent aux normes démocratiques. Si bien qu’on tombe dans une transition qui n’en finit pas, suivant l’expression de Pierre Raymond Dumas. Et le professeur Manigat de parler de « crise du processus de démocratisation du pays ». Donc, parce que les partis politiques sont dans un contexte de dysfonctionnement, la démocratie est en crise en  Haïti et l’inverse est aussi vrai. Car, entre Partis politiques et démocratie, il y ‘a un rapport de cause à effet. Ce qui laisse croire que le relèvement démocratique en Haïti doit passer par la normalisation sinon l’institutionnalisation de la vie politique dont la règlementation des partis en serait un carrefour incontournable.

John Wesley DELVA

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Fanel Delva : de chauffeur de Tap Tap à journaliste !

Ma mère, après la mort de mon père, pouvait à peine nous donner à manger, mon frère ainé et moi. Faute de moyens financiers, elle nous avait envoyé au Cap-Haitien, chez nos oncles et tantes. J’ai connu des difficultés énormes. À une époque, je pouvais aller à l’école sans pouvoir me rendre à l’église : Les chaussures appartenaient à un de mes cousins, qui s’en servait, lui, pour aller à l’église. Je me suis battu pour vivre avec l’aide inconditionnelle de mes oncles et tantes, qui devaient, eux aussi, s’assurer de l’éducation de leurs enfants. Un de mes oncles avait une camionnette. J’en étais le chauffeur certaines fois, question de donner ma participation. Presque tous les dimanches, je faisais le trajet Cap-Haitien/Limbé. Arrivé en terminale, je n’ai pas pu passer plus de trois mois en salle de classe. On m’avait chassé de l’école parce que je ne pouvais pas payer les frais scolaires. Et comme je devais subir les examens d’état, je continuais à étudier chez moi. J’a...

Le bourreau de sa femme devient protecteur du citoyen !

Crédit Photo:Google On ne donne que ce qu’on a. Et c’est prouvé. L’Administration Publique est dirigée par des corrompus avérés. S’il y a une chose que l’inculpé a su prouver depuis qu’il est au Palais National, c’est son attachement viscéral aux personnalités au passé douteux, qui ont des démêlés avec la justice. De Wilson Laleau, impliqué dans la dilapidation des fonds du Pétro Caribe, chef de son cabinet, passant par Yolette Mingual, ancienne conseillère électorale poursuivie par la Justice pour corruption, mais nommée directrice du Ministère des Haïtiens Vivant à l’Etranger, Jovenel Moïse n’a rien à reprocher. Et pour allonger la liste, il nomme Renand Hédouville Protecteur du Citoyen. Le successeur de Florence Elie n’est pas au-dessus de tout soupçon. Renand Hédouville est connu comme un batteur de femme. Des organisations de droits des femmes, dont la SOFA, avaient dénoncé le protecteur à peine nommé. Elles ont rapporté que la femme de Renand Hédouville avait porté...

Vivre en Haïti, c’est frôler la mort au quotidien

Crédit Photo: Photographe inconnu   Rien n’est sûr dans ce pays. Pas même la montée du drapeau. Vivre dans ce coin de terre, est le choix du vrai combattant. Ce dernier doit se battre contre l’insécurité, le non-accès aux soins de santé, le chômage, des propositions indécentes, le manque d’infrastructures routières. Ici, toutes les conditions sont réunies pour mourir toutes les soixante secondes. Nos routes et véhicules Piétons et automobilistes partagent le même espace. Le trottoir, étant occupé par des détaillants, prendre la chaussée reste l’unique alternative. Ce qui revient à dire que des vies humaines sont exposées, au manque de vigilance de certains conducteurs. Que dire de l’état de certains véhicules ? Ils sont des carcasses roulantes. Ces « véhicules » circulent librement sous les yeux des agents de la Direction Centrale de la Police Routière, DCPR, sans feux avant, encore moins d’avertisseurs sonores. Et que dire des installations électriques vi...