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CES FEMMES QUI N’UTILISENT PAS LES RÉSEAUX SOCIAUX! Par Jean Carmy Félixon



Elles ne reçoivent jamais de fleurs dans leur vivant. Mais, certainement à leurs funérailles certaines d’entre elles recevront au moins une gerbe naturelle ou artificielle. Elles ne connaissent pas les loisirs de restaurant, de cinéma, de plage, d’excursion, de tournées, de concerts… Leur seul loisir c’est d’être pensives et tristes en se voyant impuissantes devant les souffrances de leurs enfants, devant leur crime d’être. Malgré elles, elles prennent plaisir dans leurs larmes. Le seul loisir qu’on leur offre pour leur abnégation est parfois une bonne raclée physique ou verbale. Cette offre vient parfois d’un homme en miniature qui se fait appeler « mari », d'un autre bossale ou d'une vermine à queue, ou de leurs propres enfants.

Devant le lot qui leur a été assigné, elles font tout pour nourrir leurs enfants, des enfants parfois qu’on les impose d’avoir : _« l’homme est le chef de la femme… la femme n’a pas  d’autorité sur son propre corps »,_ des textes sacrés souvent mal interprétés. Elles sont dans les champs, ce, souvent sous le feu brulant du soleil.– Elles vendent dans les marchés sous des masses boueuses puantes, sous des tas d'immondices et de selles - c’est également au même etndroit qu’elles doivent prendre leur repas de rue, dans l’attente de rentrer à la maison.– Elles sont dans les mines.– Elles sont dans les dépotoirs. Elles cherchent le pain quotidien en explorant les poubelles.– Elles sont dans les industries, là où elles reçoivent toutes sortes de traitements infrahumains. Elles n’ont aucun de droit de répliques aux injures. Elles doivent faire de leur raison un tort afin de conserver leur misère dans ces industries, sinon elles crèveront. Même si leurs patrons les frappent, elles n’ont pas le droit de porter plainte car ce sont eux qui contrôlent l’appareil judiciaire.– Quand elles se font femme de ménage, c’est presque la même situation que dans les industries. Certaines fois, dans ces familles qu’elles servent, elles ne sont pas propriétaire de leur propre vagin. 

Elles ne dorment pas immédiatement à la  tombée de la nuit. Elles ne dorment que quand elles finissent de réfléchir sur la dure journée d’hier, la rude journée d’aujourd’hui et la pénible journée de demain. Elles ne se perdent jamais dans un sommeil profond, car au moindre bruit ou moindre cri de leurs enfants, elles doivent savoir ce qui ne va pas et réagir en conséquence. Le matin, elles se réveillent avant tout le monde. Après avoir dit bonjour au Créateur ou à la Création, la première chose qu’elles font est ceci : elles prennent leur sens de l’honneur et leur dignité, elles les cachent quelque part où personne ne peut les leur enlever, puis partent à la recherche du pain quotidien ou l’attendent, parfois vainement. Le soir venu, avant de dormir, elles les reprennent juste pour la nuit. Elles ne les ont pas toutes les nuits - certaines fois, contre leur gré, elles doivent héberger un pénis. Chaque jour c’est le même exercice : cacher leur sens de l’honneur et leur dignité le matin et les reprendre le soir, quand c'est possible. 

Leurs sous-vêtements et leurs vêtements les plus élégants sont ceux qui cachent le mieux leur nudité, qu’ils soient la robe ou le morceau de tissu qu’elles portent tous les jours. Elles refusent les accès aux soins de beauté juste pour pouvoir répondre aux besoins primaires de leurs enfants.  Elles n’ont recours à l’Hôpital que quand la médecine traditionnelle, les écorses et les feuilles ne les répondent pas. Quoiqu’elles se rendent aux hôpitaux, ce sont les forces de la nature qui doivent exécuter les prescriptions des soignants pour elles. Elles refusent l’hospitalisation, elles préfèrent souffrir chez elles, de manière à ce que leurs enfants ne souffrent pas de faim sans leur présence, parfois absente.

Certaines d’entre elles ne peuvent décoder l’alphabet, elles ne peuvent pas lire, mais elles font réciter leurs enfants. Elles ont leur propre formule de récitation des leçons : si tu marmottes, tu ne connais pas la leçon. Elles sont géniales ! Parfois leurs enfants ont honte d’elles, cependant elles sont toujours fières d’eux, qu'ils soient psychopathes ou exclus.

L’insécurité et les autres troubles sociaux ne les disent rien quand il s’agit de répondre à une obligation de famille.

Elles parcourent des kilomètres à pieds, sous la pluie, dans le vent, dans le froid, dans le chaud.–  Dans leur sourire et leur regard, la souffrance brille de mille feux. Mais la souffrance ne les fait pas peur. Ce sont elles qui font peur à la souffrance. Elles l’effraient et la font courir. Haut et fort, elles crient la fierté de leur être, même si aucun son ne sort de ces cris.

Elles n’utilisent pas les réseaux sociaux, mais donnent à leurs enfants les moyens de les utiliser. Elles sont dans l’extrême Sud mais bourriquent constamment sans se lasser pour que leurs enfants soient au Nord.-


Jean Carmy Félixon 

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